Nous faisons connaissance avec Karina lors de notre visite à la communauté de Las Albores . Guidés par cette jeune fille de 18 ans, nous découvrons l’espace de permaculture qui a été mis en place avec le soutien de Madre Tierra. Les arbres regorgent de mangues, avocats, papayes … Elle nous explique le fonctionnement des toilettes sèches inspirantes pour une réalisation similaire auprès des populations du village de Tablao que nous soutenons au Togo .

Karine a rejoint Madre Tierra et maintenant en tant que companera prend en charge les plus jeunes de la communauté pour réaliser avec eux le parcours de promenade dans la petit forêt qui jouxte le village .

De temps à autre Karina vient passer quelques semaines à San Cristobal chez Julio et Hélène pour se former. Nous partageons alors davantage de moments avec elle . Avec Gloria, elle forme un bon duo.

Sa famille est d’origine maya totzile. Karina est issue d’une fratrie de 14 enfants entre 5 et 30 ans, la réalité habituelle ici.

Ses parents ont notre âge et travaillent très dur en tant que paysans . Selon les caprices de la météo, il n’y a pas toujours assez à manger. Les revenus de la famille liés aux récoltes s’élèvent à environ 700€ par an pour nourrir 14 personnes. Facile d’imaginer que c’est loin d’être des repas de fêtes au quotidien: frivoles (haricots) et tortillas 2 fois par jour quand tout va bien.

Les familles s’entraident et certaines prêtent à d’autres du maïs, des haricots  en attendant de meilleurs récoltes pour « rembourser » l’emprunt. Dans ces conditions, impossible d’envisager des études universitaires.

 Karina souhaite soutenir sa communauté avec de nouvelles valeurs, en questionnant le modèle social et culturel dans lequel elle a été élevée . Elle nous raconte comment dorénavant à table à la maison,  elle conteste le fait de devoir servir son frère de 16 ans. Sa maman lui rappelle que c’est son rôle . Posture certainement pas évidente.A ma question “n’est ce pas difficile de rentrer chez toi après 2  semaines passées à San Cristobal dans un environnement totalement différent ou il y a profusion de nourriture ?” Pour elle, le plus difficile concerne les relations humaines . Dans sa communauté, la vie est dure, elle ne retrouve pas dans les échanges , la richesse de paroles qu’elle apprécie chez Madre Tierra. Son regard s’ouvre, sa curiosité, son désir de découverte si aiguisé ne trouve pas facilement d’échos dans sa communauté . Les habitudes de vie, les croyances culturelles et religieuses lui apparaissent comme un carcan et l’empêche de s’exprimer pleinement. Elle a néanmoins conscience que si elle veut voir ses pairs changer , un gros travail d’accompagnement est nécessaire . Du haut de ses 18 ans, épaulée par Julio et Hélène, elle est déterminée à œuvrer pour cela même si ce n’est pas facile . Il lui a fallu beaucoup de courage pour s’imposer dans un milieu où le rôle de toute jeune fille est de rester  sagement à la maison pour s’occuper des tâches matérielles, aller dans les champs, se soumet à la hiérarchie masculine et se mariera un jour avec un mari que les parents lui auront peut être trouvé ….

 

 

Sa grande sœur vit mariée à San Cristobal, elle a 2 enfants. Elle travaille en hôtellerie et son mari est électricien. Ils s’arrangent avec leurs horaires pour garder leurs enfants . Ici le temps  passé à l’école par jour est plutôt court : 8h-12h pendant 5 jours et environ le même nombre de jours de vacances que nous . 

Karina alterne ses séjours au sein de Madre Tierra et est contente de rentrer dans sa communauté de temps à autre. S’engager à être formée n’est néanmoins pas de tout repos, il y a pas mal d’exigences et règles bien différentes de sa maison . Chez des parents, même majeure, elle reste sous leur responsabilité tant qu’elle ne sera pas autonome financièrement . Une idée de petit business de revente est un de ses projets .

Autre fait marquant, nous assisterons à la coupe symbolique de ses longs cheveux …. un process par lequel Julio accompagne ces jeunes compañeras dans leur démarche d’émancipation. La jeune fille maya porte traditionnellement de longs cheveux et impensable pour les familles d’imaginer de les couper .Mal considérée par ses pairs « pourquoi tu veux être un garçon? » mais important pour Karina, Gloria a fait de même, un signe extrême et fort pour accompagner ce profond changement intérieur, assumer et être fière de ses engagements …elles pourront toujours les laisser repousser ultérieurement… une initiation dans leur émancipation à travers cette étape ! 

Belle amitié

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