Manille, incontournable ou presque pour les vols internationaux 

Nous avions prévu une journée de marge entre notre retour de l’île de Palawan et notre départ pour l’Australie. Les typhons sont très fréquents aux Philippines et comme nous avons pu le constater pour Noël, dans ces cas les vols intérieurs sont suspendus,. Il est préférable d’être prudent… même si on n’a pas tellement envie de passer du temps à Manille. La mégapole de 18 millions d’habitants est réputée pour ne pas présenter beaucoup d’intérêt et au niveau sécurité, ce n’est pas top. Il faut reconnaître que la plupart de la  ville a été pilonnée et détruite à la fin de la 2 ieme guerre mondiale par les américains qui ont voulu chasser les japonais qui l’occupaient. Manille fait partie des villes sacrifiées lors de cette guerre, tout comme Varsovie et Hambourg.

Nous avons trouvé un hôtel sobre Redooz dans un grand immeuble mais au très bon rapport qualité/ prix ( 11€ la chambre) à 20 min à pied du plus vieux quartier de la ville “Intra muros”. 

Après une bonne nuit, nous décidons d’aller se balader dans ce premier quartier que les espagnols ont créé au 16 ieme. Il est entouré d’une enceinte. Les bâtiments qui ont résisté aux bombardements nous transposent en Espagne. La plus vieille église est l’église San Antonino, la cathédrale ayant été reconstruite à plusieurs reprises.

 

Mais le cœur n’y est pas …

Les rues sont propres, décorées pour Noël, il y règne une atmosphère à mon sens artificielle. Je veux dire par là que l’on se retrouve dans un site typiquement touristique avec restaurants, quelques points à visiter. Cela me parait loin de la réalité philippine de Manille. «L’Intra Muros” peut se visiter en calèche ou en “Bike Cab”: vélo taxi, même principe que la moto side-car à Palawan mais le vélo remplace la moto.

 

Nous ne pouvons pas entrer visiter l’Eglise en raison d’un mariage qui s’y déroule.

Les portes sont grandes ouvertes, ce qui permet d’avoir un aperçu de l’intérieur et du coup de pouvoir suivre la cérémonie de l’extérieur…

De magnifiques et imposantes voitures sont garées sur le parvis, des enfants sont joliment vêtus pour l’occasion…

Mais autour des invités se glissent quelques enfants de 6 à 10 ans qui mendient. Nous observons la scène…Quel contraste entre ces enfants des rues qui réclament des pesos ou de la nourriture et ceux qui font partie de la fête du mariage … 2 mondes qui se cotent,  s’opposent,  se télescopent, s’interpellent…Scène qui nous atterre  et nous laisse sans voix…La réalité des enfants des rues de Manille est belle et bien devant nous, sous nos yeux…nous en en avions  déjà entendu parler à la télé … mais maintenant être témoins nous met mal à l’aise.

La veille , dans le taxi qui nous a conduit de l’aéroport à notre hôtel, nous avions déjà vu des enfants qui étaient encore dans les rues à minuit. A l’arrêt aux feux , notre chauffeur avait même verrouillé les portes: 3 enfants d’une dizaine d’années étaient en train de sniffer du solvant. Quelle misère humaine … en fait les bidonvilles entourent la périphérie de Manille et les familles très pauvres envoient leurs enfants dans les riches artères de la ville mendier, se débrouiller pour survivre.

À plusieurs reprises, nous achetons à manger pour les enfants qui nous sollicitent, plutôt que leur donner de l’argent qui peut-être ne leur reviendra pas. Ces enfants sont touchants, Cedric, l’un d’eux a le sens de l’humour. Ils restent des enfants au milieu de cette sordide misère.

Quelques infos:

Ils sont entre 250000 et un million d’enfants à errer ainsi dans les rues de Manille. Il est difficile d’évaluer le nombre précis mais une chose est sure, leur nombre a considérablement augmenté ces dernières années: pauvreté, migrations, structure familiale…Soeur Emmanuelle y avait implanter son association pour donner des perspectives d’avenir à ces jeunes. Ces enfants sont très vulnérables au travail forcé, prostitution, violences, drogue, gangs…

Rencontre avec Spunky au cœur en or

Avec notre fils, nous étions en train de nous intéresser à une Jeepney, moyen de transport urbain caractéristique de Manille. 

Après la 2° guerre mondiale, les américains ont abandonné leurs jeeps sur place et les philippins les ont transformées en les allongeant pour en faire un genre de mini-bus pour le transport de 15 à 20 passagers.

Ceci a permis de développer le transport urbain à Manille et ces jeeps sont toujours d’actualité. Chaque jeep est personnalisée (couleur, inscription) par le propriétaire, ce qui leur confère un look bien spécifique. Elles pétaradent plus ou moins et malheureusement génèrent énormément de pollution. Manille appartient à ce clan des villes les plus polluées de la planète. Aujourd’hui le chauffeur- mécano de cette jeepney grise nous explique que des nouvelles jeepneys sont construites pour compléter le parc. Généralement le chauffeur est un employé,  en l’occurrence dans ce cas, le véhicule appartient à un homme politique. Ces véhicules sont réglementés et n’ont pas le droit de rouler un jour par semaine, selon leur numéro d’immatriculation. Le chauffeur profite de cette journée pour en faire la maintenance.

Un homme à scooter s’arrête et se joint à notre conversation. Aux Philippines, les gens parlant relativement bien anglais, les échanges sont assez faciles. Il nous propose de venir boire une bière chez lui, à deux pas de là.

L’occasion est unique et nous le suivons avec plaisir. Spunky, la quarantaine nous accueille dans sa maison où il vit avec sa femme et ses 2 enfants. Son petit dernier Gabriel est âgé d’un mois seulement. Assis sur sa terrasse, Spunky nous présente sa famille qui habite en face dans la rue voisine… ils peuvent se saluer à distance.

Nous nous sentons gênés de se voir offrir des bières qu’il va acheter dans la boutique d’à côté. Il loue un petit logement et propose même une petite chambre à louer chez lui.

Même si cela est cher, sa fille de 10 ans est scolarisée en école privée catholique car l’école publique philippine n’est pas de qualité. Les effectifs des classes sont trop élevés(30-40) alors que l’école San Maria a des classes de 15 élèves. Le coût est de 700€/an. Il travaille beaucoup pour financer l’école. Il travaille pour une société de transport de containers et s’investit beaucoup.

Nous échangeons sur la maternité et sa femme qui a du, à chaque naissance,  accoucher par césarienne… ce qui me rappelle des souvenirs personnels  mais ici pas de couverture de santé, il a du se débrouiller pour régler la facture de l’opération de 1600€…

Témoignage poignant

Spunky nous raconte sa jeunesse. Il est né dans ce quartier, ses parents et grands parents également. Issu d’une famille de 7 enfants,  il a connu une enfance difficile comme beaucoup d’autres, noyés dans une extrême pauvreté. Il passait ses journées à errer dans les rues pour essayer de récupérer quelques pesos, ou de quoi manger, faire les poubelles, voler  … Ado, il dealait et revendait la coke, il évoque également la prostitution. A la différence de ses copains, il n’a jamais touché à la drogue, ni accepté d’argent contre des règlements de compte armés.

Un miraculé des rues

Toujours est-il qu’il peut se considérer comme un miraculé des rues … plus tard il est parti travailler sur des cargos … il a même navigué jusqu’au Havre … ce qui d’ailleurs a été notre point de départ de notre conversation dans la rue ! Il a été aussi chauffeur de ces taxis-vélos. Puis il a cherché un job qui lui permette de fonder une famille. Quand il nous raconte sa vie, un magnifique arc-en-ciel apparaît.. sensibles à ce genre de signe de bon augure, nous ressentons que nous avons été guidés pour cette rencontre, que ces échanges valent mille fois mieux que nos visites envisagées du fort, des anciens bâtiments coloniaux … en 2h de temps, une vraie leçon de vie se dévoile et nous renvoie dans nos retranchements d’êtres humains… notre enfance à l’autre bout de la planète est tellement douillette …

Et puis, il raconte comment il a perdu 8 de ses copains, la bande avec laquelle il a grandi… le dernier s’est fait tué à l’âge de 20 ans par la police… Seulement 2 sur 10 ont réussi à gagner l’âge adulte. Certains sont morts d’overdose, de règlements de compte…

Spunky, homme paisible est maintenant président d’une association qui intervient dans le quartier Intra-muros pour sensibiliser familles et enfants sur les dangers de la rue. Il œuvre auprès de ses concitoyens et fort de son témoignage, c’est un homme au grand cœur écouté et respecté. Il peut être vraiment fier de son parcours. D’ailleurs il doit être connu comme le loup blanc. Si nous rencontrons un quelconque problème dans cette zone, il suffit de citer son nom, nous conseille t-il ! Fort heureusement ce ne sera pas nécessaire.

Échange de contact et selfie souvenir … nous repartirons profondément touchés…avec un nouveau regard… il nous remerciera pour lui avoir fait confiance et avoir accepté de venir chez lui…incroyable ! C’est nous qui le remercions pour sa qualité d’accueil et sa confiance.

 

Inoubliable leçon de vie…bouleversante…

Nous n’avons rien visité à Manille mais nous avons reçu une belle leçon de vie inoubliable de cet enfant des rues devenu un adulte référent … nous n’avons que des glaces à offrir aux enfants de la famille. Sa sœur en a 6 ( de 1 an à 16 ans) et les élève seule. La journée,  elle travaille en restauration pendant que son aînée veille sur les plus jeunes…Nous nous sentons impuissants…

En repartant le soir, direction notre hôtel, nous croisons cette fois- ci des adultes qui dorment sur des cartons au sol, ou bien encore recroquevillé sur leur vélo -taxi…plus loin les monuments sont illuminés, et c’est la fête au parc Ritzal. Des dizaines de familles venues pique-niquer devant grand bassin qui offre un beau spectacle de jets d’eau colorés.

 

 

Difficile de trouver intérieurement sa place entre ces violents contrastes…

 

 

Les chemins se séparent avec nos enfants

Nous quittons les enfants, nous continuons notre voyage… Bye Bye  l’Asie pour gagner l’Océanie…Embarquement à Manille à 1h du matin pour Perth avec un transit à Kuala Lumpur…ville qui me replonge dans le décès de mon papa…c’est à cet endroit que nous avions décidé de rentrer en France en octobre dernier.

 

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