6-La vie en yourte chez les nomades

Dormir dans une yourte ? 

La yourte se dit gher en mongol.

Nous avons dormi le plus souvent en yourte quand cela était possible. Sinon, quand nous traversions des zones désertiques, On utilisait la tente.

Différents type de yourtes:

Les camps touristiques regroupent 15 à 30 yourtes avec une plus grande yourte pour manger. Ces camps sont ouverts généralement uniquement en été. A la différence des yourtes chez l’habitant, on y trouve un bloc sanitaire comme dans un camping. A l’intérieur de la yourte, il y a généralement 4 lits voire 2 lits dans des camps plus luxueux (cela nous est arrivé une fois) répartis en cercle contre les parois de la yourte.

Nous avons séjourné quasiment que dans des familles nomades. Ils disposent alors de leur yourte personnelle et une yourte supplémentaire pour les touristes (4 lits). 

Pendant notre périple de 3 jours à cheval, nous étions hébergés dans des familles qui nous ont vraiment reçus dans leur yourte personnelle, eux mêmes se regroupant dans la yourte cuisine, ou dans une autre yourte. Ces 3 familles reçoivent très peu de touristes. Elles font partie de la famille de la responsable de l’agence. Ce qui permet un accueil très privilégié au cœur de leur vie de nomade.

Comme les nuits sont très fraîches  (5 degrés), à  2 reprises, on a demandé au chef de famille de nous allumer le poêle. Incroyable la chaleur qui se dégage alors, on étouffe ! Même avec le toit de la yourte partiellement ouvert au niveau du tuyau du poêle ! Mais dès que le poêle s’éteint, la fraîcheur ou plus exactement le froid fait très vite son apparition!  Est-ce qu’en hiver, à -40, ils se relèvent pour maintenir le feu ? On en doute!

Dans une yourte, on n’est jamais seul…crapauds, souris, araignées, insectes à profusion cohabitent avec nous…heureusement, nous dormons en hauteur! Et mieux vaut bien dormir et éventuellement se couvrir le visage d’un foulard, ce que j’ai fait à 2 reprises.

Le confort reste sobre avec un sommier-matelas plutôt très ferme. Pas de draps, ni couverture,  ni oreiller, c’est notre sac de couchage qui fait l’affaire.mais dormir dans une forme arrondie, c’est un peu comme être dans un cocon. On s’y sent très bien…cela nous a rappelé notre expérience de couchage au Togo dans une case traditionnelle!

La toilette …les toilettes…une aventure…

Aller aux toilettes,  dissimulés derrières les rares herbes et voir s’envoler devant soi des dizaines de grues

S’aventurer dans la cabane au loin… beaucoup plus loin que la cabane au fond du jardin de la grand-mère …guidés par les mouches pour y découvrir un trou aussi immense que les odeurs qui en émanent. Attention, pas de faux pas, la fosse peut mesurer jusqu’à 4 m de profondeur ! 

Dans les familles de nomades, à 100-200m de la yourte, le coin toilettes se résume à 3 panneaux en planches (hauteur 1m) et un trou. Pas de porte ! 

Emplacement VIP avec superbe belle vue dégagée sur la plaine où les collines environnantes. Pas simple de se diriger vers ces « toilettes » à la nuit tombée entre le troupeau de 300 à 500 biques et moutons venus s’installer près du campement ! 

Et quid de l’hygiène dans tout cela? 

Pas de douche chez les nomades … au mieux la rivière à 2 pas des yourtes. Il faut accepter de partager l’accès avec les différents troupeaux! Ce qui veut dire que c’est très gadoueux : le sol est tapissé de crottes…mais quand cela fait déjà 4 j sans douche, la motivation est là pour dépasser l’inconfort et se laver les cheveux dans une eau … bien évidemment glaciale!

Ce jour là, le comble, le jeune chien de la famille avait profité que j’étais en train de me laver dans la rivière,  pour me « piquer« le sachet contenant mon savon-shampoing !

2 bonnes surprises quand notre guide nous a trouvé des douches publiques, ou encore mirage du désert, une yourte transformée en douches .. certes seulement un petit filet d’eau plus ou moins chaud, une eau chauffée par un bidon lui-même chauffé au bois, des fils électriques qui courent au milieu de tout cela à faire peur… le mouvement du tuyau de douche suffit à faire clignoter l’ampoule ! 

Le top:le bloc de douche  le camp de yourtes touristiques… l’occasion de se décrasser et faire notre lessive. une nuit suffira au séchage de notre linge, pourtant il ne fait pas chaud ! 

Sinon les lingettes de bébé pour les nombreuses autres fois, pour une vraie toilette de chat!

4 douches en 13 jours, on apprend à les savourer ! 

L’organisation dans la yourte familiale

La gher (yourte) est simplement posée à terre, ce qui permet de l’installer sur n’importe quel sol, même gelé. La base circulaire est constituée d’un treillis en bois de saule d’un rayon d’environ 2,80 m pour une famille de 4-5 personnes soit 25m2. 

La hauteur au centre est d’environ 3 m et sur les côtés 1,50m pour éviter les prises au vent.Le sol est recouvert d’une sorte de balatom plastique.

Montage de la yourte

Un jour, alors qu’on roulait, au loin une famille était en train de monter sa yourte. Notre chauffeur a aussitôt stoppé. Quelle chance que nous ayons pu assister au montage ! Et quelle solidarité de la part de notre chauffeur Jagaa qui s’est mis à aider le chef de famille. Généralement il faut 2 h pour monter une yourte. Les nomades changent 3 à 4 fois de campement par an. Le déménagement de la yourte peut se faire à dos de chameaux (2 suffisent à répartir les 250 kg de matériel), mais plus souvent, de nos jours, à l’aide d’un camion loué.

La plupart des yourtes du XXI ° siècle sont équipées d’une antenne satellite donc d’une télé, une radio et panneaux solaires pour l’éclairage et la recharge du portable. Par contre, on retrouve uniquement du réseau téléphonique dans les villes.

Chaque chose a sa place, et cette organisation se retrouve à travers toute la Mongolie.

D’abord franchir le seuil de la porte( khaalga) en bois peinte voire sculptée en levant le pied droit en premier … surtout ne pas heurter le seuil sous peine de provoquer la colère des esprits et bien sûr ne pas oublier de baisser la tête pour ne pas se cogner dans le chambranle!

La porte est toujours orientée vers le sud « par où entrent le soleil et les amis ».

81 perches composent l’armature du toit. 2 poteaux en forme de T soutiennent l’anneau de compression.

Le Bagana (poteau) symbolise le lien qui unit les trois mondes : le monde des esprits nuisibles (cercle inférieur, au pied du treillis et du seuil de la porte), le monde des esprits animés (cercle médian, à la tête du treillis et linteau de la porte) et le monde des esprits bienfaisants (cercle supérieur de l’anneau): Le Bagana 

Chaque chose à sa place

L’extérieur de la yourte est ceinturé de plusieurs couches de feutres de laine des troupeaux. Le tout est recouvert d’une toile blanche imperméable. En été, le bas des feutres muraux est retroussé pour créer des courants d’air. Mais en ce qui nous concernait, on n’oubliait pas le soir de les rabaisser!  Souvent un joli tissu à motif est tendu à l’intérieur de la yourte et dissimule le treillis.

Une fois à l’intérieur, les hommes prennent place à gauche à l’ouest: il s’y trouve un lit (1 place). Près de la porte, le côté des hommes est réservé aux harnais, selles, grande outre à lait en cuir. À droite, à l’est, la partie dédiée aux femmes avec le lit conjugal femme et enfants (1place), les ustensiles de cuisine, les vivres, les seaux à eau …Sous le lit côté masculin, on a même pu y voir sécher la viande de la bête abattue de la veille.

Au centre, le poêle avec son tuyau qui pointe vers le ciel, à travers la couronne orangée de la yourte.

Au fond se trouvent les coffres contenant les biens les plus précieux fermés à cadenas. Au dessus, sont posés les photos de famille, celles des héros de la patrie, les médailles, prix et diplômes des membres de la famille (compétition de chevaux, lutte), images ou statues de dévotion principalement boudhistes.

Une table basse est posée au centre de la yourte derrière les 2 poteaux en bois. Il ne faut d’ailleurs jamais passer entre ces 2 poteaux! A chaque arrivée dans une famille, nous sommes invités à s’assoir sur les petits tabourets pour prendre un thé, accompagné de diverses formes de fromages séchés (chèvre et yak) et de biscuits secs.

Morin Khuur

Dans une des familles rencontrées, nous avons pu écouter un musicien mongol  jouer du Morin khuur,. C’est l’instrument mongol le plus important de Mongolie, considéré comme un symbole de la nation mongole.Le manche se termine par une tête de cheval, et les 2 cordes sont en poils de queue de cheval!

À la rencontre de nouvelles saveurs…

En tant que bon français, on pourrait se réjouir de découvrir de nouvelles variétés de fromages! Mais « qué néni », ils sont tellement secs, qu’il faut de supers bonnes dents pour le croquer…pire qu’un bonbon acidulé…et ensuite le goût est tellement fort en bouche, que même un minuscule morceau suffit à donner une haleine de chèvre ou yak pour quelques heures! J’ai juste pu goûter une fois, un morceau de fromage de yak en train de sécher qui était nettement moins fort et qui aurait pu me convenir. En fait, le séchage au soleil sur des claies sur le toit des yourtes est la seule technique de conservation permettant de transformer le lait d’été pour consommer ces produits en hiver. Et c’est incroyable la multitude de formes de fromages séchés.

Nous avons goûté la crème de yak, en réalité la peau de lait très épaisse, très grasse…au goût typé de yak! Le beurre de yak restait acceptable…Pas facile de changer d’alimentation!

L’Aïrag

Il y a aussi un bidon à côté de la porte qui contient le lait de jument qui en fermentant devient une boisson légèrement alcoolisée très prisée par les mongols: l’aïrag . Elle est obtenue à force de brassages avec un bâton. Souvent conditionnée dans des bouteilles d’eau de 5l, elle se vend à 10000 tugrut (3€). Francis y a goûté, bien moins alcoolisée que la vodka.

Et la vodka?

Comme je l’ai déjà écrit, la vodka est très utilisée pour les rituels chamaniques. Mais elle est également très prisée pour les retrouvailles en famille, pour faire la fête. Elle n’est pas chère. Les rayons en sont remplis, de la simple boutique au supermarché!  Et c’était désolant de trouver des bouteilles vides laissées en pleine steppes désertiques. Apparemment, les gens (hommes et femmes)  viennent pique-niquer hors des villes, passent une nuit dehors et abandonnent les bouteilles consommées. A Ulan Bator, autour de la gare, on a aussi pu rencontrer beaucoup d’hommes ivres titubants  dans les rues. Est-ce une réminiscence de la période sous influence soviétique, je m’interroge?

Le chamanisme 

De tout temps, les mongols ont cru à la puissance du ciel, à l’existence des esprits des animaux, à la relation entre les humains et les esprits. Cette croyance autrefois qualifiée d’animisme, est appelée chamanisme. Le chaman est en quelque sorte un médiateur entre le monde des humains et celui des esprits. 

Même interdit pendant la période communiste, le chamanisme a continué d’exister en Mongolie dans le recoin des yourtes. Depuis 1990, il ose se montrer au grand jour. On recourt au chaman tout autant qu’au médecin pour réparer les corps, deviner l’avenir…

Même le bouddhisme tibétain introduit de force au XVII° n’a pas réussi à éradiquer leurs croyances et a du composer avec !

Nous avons pu assister à une séance de chamanisme … Quelle rencontre avec cette femme chaman au 10 ° étage d’un immeuble à Ulan Bator. Nous avions lu le livre de Corinne Sombrun «Mon initiation chez les chamans en Mongolie». Et cette femme est entrée en transe selon tout un rituel associant fumées de cigarettes, vodkas, guimbarde accompagnée de son aide qui veille au déroulement de la cérémonie…exactement comme cela était décrit dans le livre …la découverte d’une autre forme de spiritualité.

Et dormir sous la tente, c’est comment?

Géniaux tous ces endroits improbables au cœur de cette immensité … l’impression de se sentir  seuls au monde … en même temps avec 2 habitants au km2 en moyenne et 0,4 dans le Gobi, on ne risque pas d’être dérangé par les voisins !

Profiter de ces magnifiques couchers de soleil… le plus beau que je n’ai jamais vu près du Canyon de Tsagaan Suvarga.

Bien installés avec matelas auto gonflant, duvets…Et bien habillés également car les nuits sont fraiches! Chaussettes, legging, polaires et parfois même le bonnet …

Quel bonheur de se réveiller le matin, face au soleil qui éclaire nos tentes! Le sentiment de ne faire qu’un avec toute cette nature quasi vierge.

Petit dej ou repas avec le confort d’une table, chaises et réchaud à gaz. Notre guide se transforme en cuisinier aidé du chauffeur. Tomates, concombres, pâtes, riz avec légumes et mouton ( morceaux séchés réhydratés dans le bouillon) ou bœuf ( genre corneed beef). Au hasard des petits magasins rencontrés, on arrive à compléter par des œufs, haricots rouges, tablettes de chocolat

Quelques « tranches de vie »