Ibu, dans les entrailles des Moluques

Nuit réparatrice au cœur de la jungle

Après une bonne nuit plutôt fraîche dans le bungalow d’Alex, nous savourons un bon petit déjeuner plein d’énergie préparé par Alex: café noir, gâteaux à base de pâte de haricot mungo genre donuts, un autre type avec une banane enroulée par une pâte, le tout enveloppé soigneusement dans une feuille de bananier, cuit à la vapeur, de délicieux petits fruits orangés et de la papaye.

Les bruits de la  jungle en pleine nuit sont très diversifiés, entre ceux des insectes, des oiseaux.  …Un opossum (petit marsupial de 10 à 40 cm) est même venu nous rendre visite, on l’a entendu sauter en pleine nuit sur le toit en tôle du bungalow!

Ibu dégagé à l’horizon

Alex a observé le volcan à plusieurs reprises cette nuit et il explique que le sommet était bien dégagé à partir de 2h du matin. Nous entrevoyons difficilement sa silhouette entre les cocotiers, tellement la forêt est dense.

Ibu veut dire mère en indonésien…Espérons qu’il sera aussi protecteur  …comme une maman peut l’être !

Vers 10h, assis dans un petit camion , nous nous rendons au départ du sentier pour grimper au volcan Ibu. 1300 m de dénivelé nous attendent. Chacun est équipé de son petit sac à dos rempli d’eau, vêtements de rechange et vêtements plus chauds si besoin. Nous serons de retour au bungalow le lendemain . 

Team d’Alex

Alex est accompagné de 3 porteurs dont son beau-frère et Christian, son neveu de 12 ans. Alex explique que Christian l’accompagne très souvent, il adore venir et le plus surprenant est qu’il marche pieds- nus ! Et bien sur, très vite ! Il connaît le sentier par cœur… je l’imagine bien dans 10 -15 ans devenir un guide, la relève pour Alex!

Sueurs volcaniques à grosses gouttes pour ce magnifique trek

Nous nous faufilons entre les palmiers , les bananiers puis nous pénétrons dans une forêt dense magnifique , le sentier devient plus raide, à peine visible.  7 h de marche seront nécessaires pour apercevoir le bord du cratère à 1325 mètres d’altitude. Il fait chaud et humide et c’est incroyable comme nous transpirons…30 degrés environ, 65% d’humidité… nous dégoulinons … le tee shirt de Francis est tellement trempé qu’il en ruisselle un bon filet d’eau lorsqu’il l’essore … c’est la première fois de sa vie … comme s’il venait de faire sa lessive! Quant à moi qui transpire difficilement (il me faut beaucoup beaucoup de temps lors d’un sauna ! ), la sueur perle de mon front, de chaque pore … j’espère que cela nettoiera toutes mes toxines ! La poussière noire volcanique se colle partout sur notre corps … impressionnantes lingettes avec leur couleur noire ! Au moins pour enlever le plus gros ! La végétation est recouverte de cette fine poussière noire, le vert en est terni! Et comme on a besoin de nos mains pour grimper, on prend vite la couleur, tels des caméléons! Et comme il n’y a a pas d’eau …sauf celle destinée à la boisson, il faudra supporter cette couche jusqu’au lendemain!

N’oublions pas que nous sommes en pleine jungle!

Nous savourons malgré tout le trek à travers cette belle jungle hyper dense ! Alex, notre guide ouvre le chemin, machette en main … de temps à autre, il dégage des lianes ou feuilles qui barrent le sentier à peine visible … plus vital, il surveille s’il n’y a pas d’araignées ou serpents dans les parages … à peine 45 min après notre départ, Alex nous dit de s’éloigner d’un arbre … et son doigt nous montre un python enroulé autour d’une branche à 3 m au-dessus de nos têtes … si on avait oublié, un petit signe pour nous rappeler qu’on est bien en pleine jungle !

Alex nous explique comme le python se laisse tomber de l’arbre pour attaquer sa proie. Il s’enroule autour et resserre jusqu’à provoquer l’étouffement…il cite l’anecdote véridique d’un homme de son village qui a pu être sauvé inextremis par l’intervention d’un autre villageois!

Plus loin, il dégagera une toile qui abrite une énorme araignée vénéneuse en son centre…

Je suis bien contente d’avoir mes bâtons de randonnée car ils m’aident bien dans cette ascension sans fin…

Alex, super guide indépendant expérimenté

Alex est un guide très expérimenté. Il est né au pied du volcan Ibu dans le village de Duono. Depuis 30 ans,  il accompagne les touristes sur les pentes du mont Ibu. En 1988, il a conduit pour la première fois un groupe de 20 français en traçant le chemin à la machette … et depuis, le sentier ne demande qu’à être entretenu à chaque passage! Nous avons à peine démarré qu’il nous donne des bonbons au gingembre, pour nous donner de l’énergie dit-il, important pour grimper !
Pause bar …1h plus tard … chacun avec sa noix de coco… c’est une jeune noix de coco au « lait » très rafraîchissant, non fermentée !

Ascension ponctuée de délicieuses pauses

À midi, pique-nique à l’ombre des bananiers avec sandwichs à la pâte de haricots mungo, biscuits à la noix de coco, le reste de nos petits gâteaux à la banane du petit dej, délicieuse papaye au goût proche d’un melon … on avait de mauvais souvenirs de papaye au goût de vomi… et toujours « l’eau » de noix de coco fraîche ! Il est très vigilant à ce qu’on ne se déshydrate pas … au vue de tout ce que nous perdu en marchant !

En harmonie avec son environnement

Il veille à ce qu’aucun déchet ne soit jeté au sol, il a éduqué les gens avec lesquels il travaille! C’est un enseignant ! Encore un, ils sont partout! En Indonésie, ça a l’air de fonctionner de pair : guide et enseignant. c’était déjà le cas de Deni, notre guide aux Raja Ampat. Dans  l’absolu, en quelque sorte, c’est le même job…une idée de possible reconversion !?

Il connaît également très bien les plantes et leurs effets bénéfiques. Je reste toujours fascinée par le fait que tout, autour de nous, existe pour prendre soin de nous. Vivre en harmonie avec la nature et elle nous permet en retour de nous soigner…Il nous explique comment la racine de Bajan peut être utilisée pour soigner traditionnellement le cancer, la malaria, les migraines…On peut en trouver dans la jungle au pied du mont Ibu. Il sait où s’en procurer mais il préfère aller en chercher en fonction de la demande. Car ce type de racine peut être revendue sur le net jusqu’à 200-300€.  Et il ne souhaite pas que des personnes en fasse un business, comme c’est le cas sur l’île de Kalimantan. Il veut que cela profite à tous gratuitement en fonction de leurs besoins. Sa maman, qui souffre de problèmes digestifs importants a déjà pu ainsi retrouver une meilleure santé grâce à cette plante.

Le drame d’un français perdu sur les pentes du mont Ibu

Alex nous raconte le cas d’un homme, en 2015 qui faisait partie d’un groupe d’un grand voyagiste français et qui s’est perdu dans la jungle. Cet homme, en bonne condition physique, marchait devant à un bon rythme quand il s’est perdu… il y a parfois plusieurs sentiers et malheureusement il a été retrouvé 27h plus tard, totalement déshydraté, mais encore en vie. Malheureusement le guide ne connaissant pas les bases des premiers secours, lui donna à boire et l’homme épuisé s’est étouffé … il aurait fallut lui donner du goutte à goutte… terrible drame ….Ce groupe d’une dizaine de trekkeurs était accompagné par un seul guide de Makassar (Sulawesi). Alex explique qu’il part toujours accompagné d’une deuxième personne pour fermer la marche car en fonction du rythme de chacun, il a ainsi la sécurité pour éviter de perdre un client. Et il connaît parfaitement la région, étant né sur place, à la différence de la plupart des guides venant d’autres îles. Quand on pense que ces gens avaient payé 5000€ pour faire un tel trek et qu’un seul guide avait été mis à dispo pour le trek, c’est vraiment léger comme organisation !

Camp au milieu de la jungle

Vers 14h, nous arrivons à notre camp pour se reposer.  On échange nos vêtements dégoulinants contre des habits plus secs. 2 tentes sont montées, un bon repas riz- épinards (thon pour les non-végétariens), papaye .

Un des hommes nous dégotent 4 beaux verres en bambou qu’il est allé couper à la machette autour du camp! Nous trinquons à l’eau minérale !!

Sieste jusqu’au repas du soir à 18h . Nous devrions reprendre notre ascension vers minuit ! Autour du camp, le ciel est plutôt couvert, il fait plus frais. A voir si nos vêtements sécheront ! Selon Alex, le ciel devrait se dégager cette nuit pour pouvoir voir les explosions d’Ibu.
pas évident de s’endormir à 19h pour un réveil à minuit…je n’y arrive pas, ma nuit sera hyper courte!

Approcher un volcan actif, danger?

Dernière alerte niveau 4 en avril 2019. En ce moment le niveau d’activité de Ibu est de 2/4,  l’éruption reste stable depuis 1998. 

Du camp, nous ne voyons pas le volcan et nous ne l’entendons pas. Un beau ciel étoilé nous accompagne dans nos rêves même si c’est difficile de s’endormir à 19h! Des bruits insolites nous entourent …interpellés particulièrement par celui d’un animal qui essaie de rentrer dans notre tente: on ne peut plus la fermer totalement, la fermeture-éclair étant cassée! On ne voit rien… mais le lendemain, on comprendra qu’il s’agissait d’un gros mille-pattes grimpant sur la tente!

Réveil prévu à minuit par Alex,

Finalement,  c’est moi qui réveille notre guide à minuit trente, ne voyant rien bouger … nous sommes pressés d’aller découvrir ce volcan et il n’avait pas entendu son réveil!  Petit déjeuner avec ces fameuses nouilles à réhydrater pour ne pas partir à jeun…toujours aussi bonnes!

2 h d’escalade, lampe frontale. Il fait chaud même à 1h du matin …et les 500 m de dénivelé qui nous attendent sont largement plus escarpés que les 800 m d’avant . Le chemin est direct dans la pente, il faut s’agripper aux racines et branches pour progresser et comme il fait nuit, on ne voit pas ce qui nous attend.. préférable je pense pour le moral. Très vite le manque de sommeil se fait ressentir, j’ai les jambes qui flageolent… je me sentais plus en forme la veille quand on s’est arrêté que maintenant après une nuit de 2h! Kathleen a aussi des difficultés avec son asthme. On progresse ensemble et Christian, notre jeune pousse de guide ronge son frein pour fermer la marche. Il passe devant nous et nous éclaire . Qu’est ce que j’en bave et lui sautille pied nus, un bon sac au dos devant nous … Francis et Michel sont légèrement plus loin avec Alex.

Après 1h30 de grimpée épuisante, nous stoppons un moment pour admirer le cratère à nos pieds, c’était le premier emplacement de camping jusque l’an passé mais le dôme qui est en  train de se former à ses pieds projette régulièrement des pierres en l’air. Trop dangereux, d’ailleurs notre guide n’en veut pas qu’on s’y attarde. Il fait encore très sombre et on ne verrait rien si une bombe volcanique était projetée dans notre direction. Une autre aire a été dégagée à 30 min de là qui permettra d’observer le volcan en toute sécurité .

Ibu, Terre- Mère en feu

Saisis par la première explosion de lave qui se déroule sous nos yeux … un de nos rêves qui se concrétise … quelle émotion! On assiste à de spectaculaires projections de laves . Elles ressemblent à des jets d’eau accompagnées d’un vrombissement du fond des entrailles .. un bruit énorme bien plus puissant que des réacteurs d’avion…un vrombissement de lancement d’une fusée ! Cela dure 5 min puis quand tous les gaz se sont échappés, Ibu, la mére, se repose jusqu’à la prochaine .. on en aura observé 5 en 2h30… Alex a allumé un feu pour se  réchauffer car il fait froid… arrivés trempés de sueur, on est immobiles à attendre les éruptions, et on se refroidit vite …Assister à ces gerbes de feu qui jaillissent à 300 m de nous est magnifique, indescriptible…un de nos rêves qui prend forme…voir de la lave incandescente. Jusqu’à maintenant, nous n’avions jamais été très chanceux avec nos expériences de volcans italiens(à l’arrêt ou dans le brouillard!). Sur un pan du volcan, on peut observer une coulée de plaques de lave qui s’écoule tout doucement dans un bruit de froissement de pierres…

Le soleil se lève derrière Ibu, le site se laisse  découvrir … les panaches de fumées grise noires continuent de monter devant nous …on ne peut plus distinguer la lave à la lumière du jour mais quel beau tableau aux tons oranges, jaunes ! Le bruit de ces champignons est impressionnant ! Un petit extrait pour vous tenter de vous mettre dans l’ambiance ci-dessous, en fin de vidéo…

Au loin sur la gauche, le volcan Dukono qu’on grimpera dans 2 jours et ses immenses panaches de fumées.

Quel tableau avec le soleil levant en arrière-plan, pour ce spectacle que nous offre Mère -Nature!

Notre trek au volcan IBU en vidéo…

Petit dej au camp

7h30, on entame notre redescente jusqu’au camp. Moins éprouvante pour le souffle mais épuisante pour les genoux et les cuisses, en mode freinage permanent, car la pente est toujours aussi raide, mais dans l’autre sens à présent ! Arrivés au camp, Alex nous grille des tranches de pain dans le fond du wok. Quel régal avec de la confiture, il y avait longtemps !

10h, on lève le camp pour une longue descente de 800 m … nous faisons à mon goût peu de pauses et les muscles de mes cuisses se tétanisent, je n’arrive plus à les commander correctement! Je m’arrête souvent , Francis de son côté regrette de ne pas avoir pris sa genouillère car son genou se rappelle à lui ! Enfin de retour au point de départ…. ou presque car Alex avait prévu le chauffeur et sa camionnette pour rentrer au bungalow…mais personne ne nous attend, Alex n’est pas très content …manifestement la personne a oublié, il ne nous reste plus qu’à utiliser nos pieds…Certes fatigués mais nous n’avons pas le choix…encore 8 km…à travers les belles plantations de cocotiers et bananiers.

Douche à la rivière

14h, nous nous décrassons dans la riviere plus jolie de jour. La température de l’eau est parfaite. Il faut frotter avec le savon pour retirer cette pellicule noire qui s’est formée sur notre peau! Nous lavons aussi nos vêtements qui, espérons-le, sécheront d’ici 2 jours pour l’ascension du volcan Dukono.

Repas traditionnel préparé par la maman d’Alex. 5h de route nous attendent pour rejoindre Tobelo, point de départ pour le second volcan. Nous somnolons tous dans la voiture, après cette nuit réduite à quelques heures de sommeil et après tous ces efforts! Mais vraiment heureux, les yeux remplis de ces fabuleuses images!